Le 21 mai dernier, nous avons eu le plaisir de participer à l’événement Jeune et Audacieux, organisé par l’équipe d’IDEE (Innovons Développons l’Esprit d’Entreprendre), pour présenter Startlab en compagnie des professeurs de BTS du Lycée Jean Moulin de Roubaix.
Thierry Lemoine, l’un des porteurs du projet IDEE, nous en dit plus..
En quelques mots, qu’est-ce que IDEE ?
IDEE a essentiellement pour mission de mettre en place des actions qui développent l’esprit d’initiative chez les élèves en collège et lycée. Notre deuxième mission, tout aussi importante, est de former les équipes pédagogiques aux changements de posture liés à ces méthodes pédagogiques alternatives.
Comment est née l’idée ?
En 2011, la région Nord-Pas-de-Calais (désormais Hauts-de-France) s’intéressait à la transition du salariat à l’entrepreneuriat. Elle a donc commandé un rapport au Président de la Chambre de Commerce de Lille de l’époque. Ce rapport avait pour but de dresser un état des lieux et de se rendre compte des leviers et freins permettant cette transition. La question au cœur : Comment accompagner un salarié qui a l’envie d’entreprendre ?
A la lecture de ce rapport, plusieurs pistes ont été émises, comme sensibiliser les femmes à l’entrepreneuriat, mais le levier que nous avons jugé le plus important était de sensibiliser les jeunes à l’entrepreneuriat dès le plus jeune âge. C’est ainsi qu’en 2012 s’est créée l’équipe de IDEE au sein du rectorat. On a démarré à 4 personnes (1 chef de projet et 3 profs), qui ne connaissaient pas forcément grand-chose à l’entrepreneuriat. Signe de réussite, le projet a grandi en taille, et nous sommes désormais 11 membres dans l’équipe, ce qui montre l’importance de l’enjeu entrepreneurial de nos jours. Pour parvenir à faire vivre cette initiative, nous sommes soutenus financièrement par des fonds européens (le fonds FEDER), par la région et par l’État, qui alloue les moyens humains.
Quelles actions mettez-vous en place concrètement ?
Au démarrage, notre but était d’établir un diagnostic des initiatives scolaires existantes en entrepreneuriat. C’est ainsi que l’on a rencontré nos premiers partenaires d’IDEE, comme Entreprendre Pour Apprendre et la BGE Haut-de-France. Nous avons aussi constaté que certaines initiatives étaient plus marginales et proposaient un programme parfois contraire aux principes de l’entrepreneuriat. C’est pourquoi notre toute première action a été de créer le label IDEE, agrément pédagogique garantissant la qualité des actions de nos partenaires.
Toujours en collaboration étroite avec la région HDF, qui nous soutient financièrement et en termes logistiques, nous avons édité un catalogue listant toutes les actions labellisées de nos partenaires. Nous sommes d’ailleurs constamment en veille de nouvelles initiatives pour venir enrichir notre offre.
Et enfin, nous proposons des évènements de valorisation. Pendant 7 ans, on a organisé de gros évènements dans un zénith, à 3000/4000 participants (jeunes et enseignants). C’était l’occasion de fêter l’entrepreneuriat dans la région. Cependant ces évènements ne nous permettaient pas d’avoir une vision exhaustive de tout ce qui se fait. C’est pourquoi on a décidé de faire des évènements plus territorialisés. Il y a 2 ans, on a par exemple organisé 9 évènements sur les régions académiques de Lille et d’Amiens.
Bon évidemment, l’année 2019 a été marquée par la Covid, on a donc dû annuler tous nos événements. Cette année, on a donc décidé de nous adapter : nous avons conçu Jeunes et Audacieux, un événement d’une semaine, entièrement digitalisé.
Quel est votre rôle par rapport à la formation des équipes pédagogiques ?
Une très grande partie de nos formations est inscrite dans le Plan Académique de Formation (PAF). Nous proposons 2 volets de formations : des formations en lien direct avec les actions que l’on propose aux établissements (formations techniques aux outils pédagogiques, formation à la mise en place de projets,…); et des formations pédagogiques sur les changements de posture (techniques de réflexivité, pratiques pédagogiques, créativité, design thinking,…). Et enfin, il nous arrive de travailler sur prescription, à la demande des inspecteurs académiques, qui peuvent avoir des besoins particuliers.
Selon IDEE, pourquoi est-il important de promouvoir l’entrepreneuriat chez les jeunes ?
Dans l’équipe, nous considérons que l’entrepreneuriat est une acculturation progressive, c’est un changement de posture qui s’inscrit dans la durée. On est aussi persuadés (et on le constate de plus en plus) que les compétences du 21ème siècle sont des compétences entrepreneuriales et non plus techniques. Pour améliorer l’employabilité des jeunes, on mise sur les soft skills, qui permettent de s’adapter plus facilement au monde du travail.
A titre personnel, quand j’étais élève, j’ai toujours souffert d’un manque de reconnaissance des compétences non scolaires, je faisais beaucoup de sport et d’associatif mais on ne retenait que ma moyenne en maths, qui n’était franchement pas terrible … ! L’envie de valoriser les actions qui ne sont pas purement scolaires, c’est quelque chose que l’on partage dans l’équipe d’IDEE.
Notre nouveau “cheval de bataille”, ce sont les badges de compétences. C’est assez compliqué à mettre en place dans l’Education Nationale, on vient enfoncer des cloisons plutôt épaisses. Dans l’inconscient collectif, les badges sont perçus comme une confrontation avec le diplôme, alors que pour nous ce sont deux démarches parallèles. C’est pourquoi on a un gros effort de sémantique à faire auprès des inspecteurs et des enseignants pour faire comprendre que c’est important de valoriser et formaliser ces compétences transversales. On travaille donc sur le projet “Badgeons les Hauts-de-France”.
Quelles sont les prochaines étapes pour IDEE ?
On n’a pas toujours de la visibilité quant aux initiatives créées grâce à IDEE, car nous travaillons surtout sur l’esprit d’entreprendre et non la création d’entreprise. Nos prochaines étapes sont donc de quantifier ces créations et nous sommes aussi de plus en plus en lien avec l’université, notamment avec le statut PEPITE, d’étudiant-entrepreneur. On essaie de consolider la sensibilisation que l’on met en place auprès des jeunes de collèges et lycées avec la continuité qui est faite dans les PEPITEs.
On aimerait aussi pouvoir proposer nos propres actions. Il en existe déjà en interne au sein des profs , mais nous souhaitons développer nos propres actions afin que les profs aient accès un panel le plus large possible, tout en répondant aux contraintes de temps, aux référentiels, … Pour cela, on collabore étroitement avec des inspecteurs académiques, qui viennent valider le contenu pédagogique des actions de notre catalogue.
Du fait du diagnostic réalisé en 2011, comment définirais-tu l’état actuel du lien entre l’école et l’entreprise ?
Pour ma part, je peux déjà constater que sur les dix dernières années, il y a eu énormément de changements de mentalité. Les profs que l’on rencontre, et avec lesquels on a pu avoir parfois des échanges un peu houleux, n’existent plus. On a des discussions plus apaisées là-dessus, je crois que les profs commencent à comprendre qu’il y va de leur intérêt d’ouvrir le plus possible vers l’extérieur. Pour nous, c’est aussi important que les formations pour les enseignants soient délivrées par des personnes pour qui c’est le métier; on ne demande pas à un prof de former à la démarche entrepreneuriale mais on fait appel à la BGE, pour qui c’est le cœur de métier.
Pourquoi IDEE n’existe que dans les Hauts-de-France ?
Pour pouvoir s’étendre à d’autres territoires, il est nécessaire de collaborer avec les régions, car ce sont elles qui donnent les orientations et qui soutiennent les initiatives comme la notre. A ma connaissance la structuration de IDEE (les moyens humains, la collaboration étroite avec la région,…) n’existe nulle part ailleurs. Il existe évidemment des initiatives au sein des établissements scolaires mais je ne crois pas qu’il existe d’autres outils de recensement des différentes actions comme on peut le voir avec notre catalogue.
Les Hauts-de-France étant une région frontalière, collaborez-vous avec d’autres pays ?
Oui, nous travaillons beaucoup avec nos collègues belges, qu’on est allés rencontrer à plusieurs reprises et nous avons une volonté de monter une animation pour les élèves et une formation pour les profs, pour simplement échanger sur les pratiques. On l’avait prévu au mois d’avril 2020 mais malheureusement, la Covid est passée par là… En revanche, nos collègues belges sont très avancés, sans doute plus avancés que nous, sur la question de l’esprit d’entreprendre. Ils ont par exemple intégré leurs Open Badge au programme depuis un moment déjà.
Pourrais-tu parler un peu plus de l’événement Jeune et Audacieux ?
Initialement, l’événement s’appelait le Festival des initiatives, puis lors de la territorialisation des évènements, on a changé pour Jeune et Audacieux. Cette année a été pour nous une grande première, c’était la 1ère fois que l’on organisait un événement en ligne. Pendant une semaine, des séminaires étaient proposés aux élèves et aux profs avec nos partenaires, et la fin de la semaine était dédiée à des live streaming en studio d’enregistrement. Dès le départ, on avait la volonté d’organiser un événement d’ampleur, il nous fallait donc varier les activités et les supports. Chaque partenaire a ensuite décidé de son intervention (webinaire ou live streaming). C’était un grand succès, et on en est très contents.