Alors que l’enseignement en France est presque entièrement basé sur un mode d’apprentissage professeur – élèves, d’autres méthodes se développent en contradiction avec cette façon de faire. En effet, à l’heure où l’étude PISA révèle un niveau médiocre des français en mathématiques et où le décrochage scolaire atteint environ 95 000 élèves par an, ne serait-il pas temps de changer nos manières d’enseigner ?
Parce qu’ils incarnent une sorte de hiérarchie et qu’ils représentent un puits de savoir, les enseignants ont toujours été essentiels dans le système d’éducation français. Leur rôle ? Transmettre leur savoir aux élèves en gardant la figure d’un adulte auquel on doit respect et discipline.
En effet, le rôle de l’enseignant est de donner aux élèves l’envie d’apprendre et de comprendre. Il doit les conduire à analyser, raisonner et trouver la manière d’arriver à leurs fins. Il doit aussi éveiller chez les enfants des compétences telles que l’écoute, la persévérance, le respect ou encore la curiosité. Ainsi, c’est à l’école que le jeune développe sa volonté de réussir et son intérêt pour cette instance.
De plus, en ce qu’ils côtoient les élèves quotidiennement, les enseignants influent sur la motivation, les résultats et même le bien-être des jeunes. Bien qu’ils se doivent de garder une position neutre et professionnelle, les professeurs tissent des liens avec leurs écoliers et contribuent ainsi largement à leurs comportements et à leurs réussites scolaires.
En effet, au-delà des contenus qu’ils enseignent ou des compétences qu’ils tentent de faire acquérir, les professeurs jouent un rôle prépondérant dans la relation que l’élève aura vis-à-vis de l’école. C’est ce qu’ont cherché à démontrer Fredriksen et Rhodes, dans The role of teacher relationships in the lives of students en 2004. En effet, la relation professeur-élève est cruciale car elle détermine en partie la motivation de celui-ci, sa réussite scolaire et son bien-être psychologique.
Malheureusement, on sous-estime souvent le pouvoir qu’a l’enseignant, on s’attarde surtout au contenu en pensant favoriser la réussite des élèves alors que Fallu et Janosz ont clairement prouvé en 2003 que les relations chaleureuses diminuent le risque de décrochage scolaire. C’est pourquoi le modèle d’apprentissage français est important, en ce qu’il donne du poids au professeur. Toutefois, est-ce que ces enseignants se donnent toujours les moyens de créer ce lien si important avec leurs élèves ? Dans leur soutien, leur encadrement et même leur bienveillance émotionnelle, ils sont un pilier de l’enseignement et de l’avenir de nos jeunes.
Ainsi, parce qu’elle conduit un enfant à avoir confiance en ses capacités et à se fixer des objectifs, la relation élève-professeur doit être positive. Et ce, autant lors des premières années d’école que par la suite, lorsque les compétences attendues se complexifient.
Toutefois, ce lien professeur-élève est loin d’être toujours positif et n’est pas le seul à prendre en compte dans l’équation de la réussite scolaire.
En effet, l’enseignant est bien souvent diabolisé ou un facteur de stress chez les étudiants. Face à la peur de l’échec, ceux-ci finissent souvent par ne plus trouver goût à l’apprentissage et par ne plus donner d’importance qu’à la note finale. La relation n’est de ce fait plus saine et chaleureuse mais une relation d’autorité. Il arrive aussi souvent que le professeur ne soit pas en mesure d’expliquer d’une manière suffisamment claire pour le jeune. Ainsi, les deux parties arrivent à une incompréhension et bien souvent à un mal-être de l’écolier.
Or, ce manque de compréhension arrive bien moins entre jeunes. Ceux-ci se côtoient, vivent les mêmes étapes lors du cursus scolaire et peuvent ainsi mieux comprendre les faiblesses ou questions farfelues de leurs camarades de classe. C’est pourquoi l’apprentissage entre pairs apparaît comme une alternative intéressante à interroger. Mais qu’est-ce que c’est ?
L’objectif ? Améliorer l’acquisition de connaissance, sans professeur. Chaque apprenant est à la fois receveur et donneur de savoir, les différents apprenants travaillent ensemble à trouver une réponse à la problématique. Une fois que l’un d’eux a acquis une compétence, il la partage avec les membres de son équipe. L’avantage du Peer Learning, c’est qu’il permet à des apprenants de se focaliser sur la compréhension plutôt que la résolution. Cela développe un esprit de collaboration et de coopération chez les apprenants, et les rend plus efficaces.
En effet, lorsque l’on suit un apprentissage traditionnel avec un formateur, on est un spectateur, on attend que le formateur nous apporte le savoir. Cela à plusieurs effets négatifs, le plus important d’entre eux : un manque d’interactivité qui nous empêche de retenir facilement les informations. Mais d’autres problèmes se posent également, comme le manque de créativité et d’esprit critique de la part des élèves qui reçoivent les informations sans les traiter.
L’apprentissage entre pairs propose une approche différente : L’élève est en situation d’acteur, il partage son idée et y implique une réflexion plus profonde dans le but d’aider ses pairs et de chercher à leur donner une réponse la plus travaillée possible. Les élèves développent donc leur esprit critique et leur esprit d’adaptation face à la proposition de l’un d’eux. Ils sont ainsi plus aptes à rebondir que s’ils n’étaient que de simples spectateurs. Aussi, chacun des coéquipiers peut donner un feedback personnalisé et faire avancer le travail en commun. Cette technique place l’apprenant dans un travail de confiance. En sachant qu’il est formé par quelqu’un qui partage son travail et qui en connaît les tenants et les aboutissants, il saura s’adapter plus facilement à son environnement.
Un des atouts les plus significatifs de l’apprentissage entre pairs reste le sentiment de liberté, et la motivation de travailler avec des personnes de son âge. La façon d’apprendre est bien souvent plus ludique qu’à l’école où l’enseignant propose une méthode très théorique. Le fait d’être responsable de l’apprentissage de l’autre et du sien permet de donner un sentiment de confiance, de maturité et de plaisir. Ainsi, les élèves sont incités à être plus créatifs et intéressés.
C’est de cette façon que L’École 42 a basé sa pédagogie. La diversité est la principale ressource d’apprentissage des élèves. Pas de profs, pas de cours, seulement des élèves qui apprennent ensemble, se corrigent et s’inspirent mutuellement. Les étudiants doivent compter sur la force du groupe, être tour à tour formateur et apprenant. Les individus sont tous non experts et sans hiérarchie, ce qui les rend plus performants. Cette méthode permet de voir que l’entraide est une force pédagogique souvent ignorée. Se confronter quotidiennement aux solutions, questionnements et divergences des autres pousse chacun dans ses retranchements, ce qui finit par produire des solutions inédites. Les individus grandissent en compétences aussi bien humaines que techniques au sein d’un groupe, ce qui consolide la confiance en soi et aux autres. De plus, les groupes finissent par se réguler eux-mêmes. Si un camarade est trop tire-au-flanc, bruyant ou violent, les autres le recadrent rapidement. Dans tous les cas, il semblerait qu’à 42, les incivilités soient rares, l’énergie étant principalement canalisée dans les projets très nombreux. Finalement, ce mode d’apprentissage se rapproche du fonctionnement d’entreprise. Chacun est le garant d’une partie de la réussite du projet, c’est de l’intelligence collective.
C’est en s’appuyant sur ces faits et ces constats que nous avons fondé Startlab, un projet entrepreneurial à effectuer en groupe afin de s’appuyer sur la complémentarité de membres d’une équipe. Avec notre dispositif, le professeur occupe un rôle important car il soutient et guide les élèves mais il n’est plus au centre. Ce sont les élèves qui sont acteurs et qui créent leur projet de A à Z par la force de leur communication et organisation. Avec Startlab, le professeur est un médiateur et les étudiants de la Sorbonne Entrepreneur sont des accompagnateurs dans l’élaboration de ce projet. En effet, nous avons remarqué que l’e-mentoring était un atout à ne pas négliger dans la fondation d’un projet. C’est pourquoi nous avons réussi à mélanger travail entre pairs, e-mentoring et soutien du professeur.
Ainsi, l’apprentissage entre pairs est une alternative à envisager afin d’améliorer l’acquisition de connaissances et l’implication des élèves dans leur propre enseignement. Il ne s’agit toutefois pas de changer complètement le mode d’apprentissage français, qui repose sur une relation élève-professeur essentiel à l’éducation de l’enfant.